Pour information Carrefour et Coopérative U viennent d’annoncer la naissance d’une alliance européenne aux achats « Concordis » D’autres distributeurs européens pourraient les rejoindre. Contactées par LSA, les deux enseignes n’ont ni confirmé, ni infirmé l’information.
L’ANIA a échangé avec Hervé Daudin ( Directeur marchandise groupe Carrefour) qui a, sur sa demande, souhaité pouvoir expliciter l’objectif et la philosophie de cette nouvelle alliance. Il a confirmé que :
- Cette alliance est une alliance « de nouveau type » : le nom Concordis a été mûrement réfléchi, il ne relève pas du hasard. Derrière ce nom, il y a une réelle volonté de coopération et d’harmonie, avec une logique de construction de valeur en offrant aux industriels des plans d’affaires ambitieux au niveau européen.
- Concernant le champ de cette alliance, elle sera uniquement internationale, avec un périmètre volontairement limité (« il n’est pas question de refaire Envergure comme à l’époque ») et concernera moins de 40 grands industriels (à peu près le même périmètre qu’Eureca). Certains industriels ont été retirés du scope, notamment ceux qui ont un fort lien avec l’amont agricole, pour « limiter l’impact sur les filières agricoles », notamment les laitiers. La Coopérative U y a également insisté.
- Les deux enseignes souhaitent conserver leurs différenciations au niveau national.
- Concernant l’application d’EGAlim, son respect a été réaffirmé : « c’est la loi du lieu de la mise en application des contrats qui s’appliquera » — aucun changement par rapport à ce que fait Eureca aujourd’hui.
- Sur la philosophie de l’alliance, qui souhaite à terme s’ouvrir à d’autres partenaires, un code de bonne conduite a été largement diffusé, avec l’idée de faire « de l’anti-Ferrari » : la négociation dans une logique de coopération et non pas en déréférençant 30 % du business pendant les négociations pour partir au combat — « ce n’est pas notre vision de la négociation ».
- Sur le lieu de négociation : le siège de l’alliance se situera à Bruxelles, lieu officiel de résidence où se tiendront le Conseil d’administration de la structure et les réunions avec les partenaires. Les équipes de négociation, quant à elles, seront celles de Carrefour en Espagne. Les « jambes » de la structure seront donc en Espagne, appliqueront les instructions de la « tête » et mèneront les négociations. Les fournisseurs iront donc, comme aujourd’hui, négocier soit à Madrid, soit à Genève.
- Concordis est une alliance de négociation, qui vise à négocier un cadre commun (« améliorateur commun »), mais l’écriture des contrats se fera au niveau local, y compris pour la promotion. Cela impliquera donc pour les fournisseurs concernés un certain « effet essuie-glaces » entre le niveau local et international.
- La centrale sera en vigueur dès les négociations 2026.
- Un dossier sera déposé très prochainement auprès de l’Autorité de la concurrence, les Chinese walls nécessaires ayant été mis en place pour respecter le droit de la concurrence.
Il a été convenu d’un échange très prochainement entre les dirigeants de cette nouvelle alliance et les adhérents de l’ANIA — Nous vous tiendrons informés de la date retenue.
Article LSA :
Concordis: le nom de la nouvelle centrale européenne Carrefour et Coopérative U
Un nouvel épisode dans les alliances aux achats et dans le feuilleton des centrales d’achats européennes. Alors que des députés s’interrogent sur la manière de renforcer le carcan législatif autour des négociations commerciales en France, une nouvelle actualité démontre que plus la réglementation française est « lourde », plus les distributeurs français mettent en place des structures pour acheter les grandes marques non plus en France mais en Europe.
On connaissait déjà Eurelec, la centrale d’achat basée en Belgique pour Leclerc, Rewe et Ahold Delhaize (qui gère du 3xnet) et sa composante « on-top » Coopernic. Il y a aussi Eureca, le bureau d’achats européen de Carrefour installé à Madrid qui gère là aussi en « 3xnet» et Carrefour World Trade (CWT) qui suit les accords « on top » ». Autre structure, Everest, la centrale basée à Amsterdam pour Aura (Intermarché, Auchan et Casino), mais aussi Edeka, Picnic et Jumbo. Une centrale qui gère du «3xnet » alors que Epic gère pour les mêmes enseignes du « on-top ». Sans oublier Vasco International Trading, une autre centrale européenne créée en avril 2025 et qui est également installée à Amsterdam. Elle regroupe Colruyt (Belgique), Superunie (Pays-Bas) et Coop Group (Suisse). Son rôle est également de négocier directement l’achat de produits auprès des grandes marques multinationales. Et à noter que Vasco ne se substitue pas à AgeCore, l’alliance dont Colruyt est déjà membre avec Coop (Suisse), Conad (Italie), Eroski (Espagne), et depuis l’été dernier Kaufland (Lidl) et qui négocie avec les grands groupes des accords « on-top » des conditions d’achat. En résumé, le paysage des centrales est bien complexe et mouvant avec des alliances qui se font se défont et, à l’arrivée, des enseignes qui finissent par être dans plusieurs centrales !
Concrètement, le « On-top » est un tiroir supplémentaire dans les arguments d’une « négo ». On négocie quelque chose en plus d’un contrat national, par exemple, en y ajoutant des prestations de service internationales. Et pour le « 3xnet », on part de la base tarifaire des différents pays pour obtenir un socle tarifaire commun aux différent pays, base de travail.
Son nom : Concordis !
L’annonce de Carrefour et de Coopérative U complète donc ce paysage. De quoi s’agit-il ? Les deux distributeurs devraient annoncer une alliance aux achats (basée à Bruxelles) avec des négociations en triple net (le fameux « 3xnet») mais aussi du « on-top ». Concrètement, et contrairement à ce qui se fait jusqu’ici, cette alliance serait « posée » sur 2 jambes avec deux prestataires de service (des commissionnaires dit-on dans le métier) qui seraient au service des membres de l’alliance. Il s’agirait donc de CWT (Carrefour World Trade) pour le « on-top » et de Eureca pour le «3xnet ». Cette structure qui devrait prendre le nom de Concordis sera basée à Bruxelles. A n’en pas douter, cette nouvelle entité se sera appuyée sur l’expertise d’Hervé Daudin (directeur Marchandises Groupe, membre du comité exécutif du Groupe Carrefour) et de Jean-Paul Onillon (directeur marchandise PGC du Groupe Carrefour), deux dirigeants qui, lorsqu‘ils étaient tous deux chez Casino, ont participé à la création d’Inca (Casino/Intermarché) puis d’Horizon (Casino/Auchan/Metro). Une expertise qui existe également du côté des U, par exemple avec Sylvain Ferry, directeur général délégué de Coopérative U et ancien patron des achats internationaux de Carrefour et de Benoît Willot, président de Coopérative U Est (et associé binôme commerce) mais aussi à la suite des quelques alliances déjà signées puis arrêtées : Everest notamment, mais aussi Envergure, qui fut une centrale entre Système U (à l’époque) et… Carrefour (de 2018 et 2023).
La principale mission de cette nouvelle alliance, toujours selon nos informations, sera d’acheter en commun les plus grandes marques de PGC. Dans la profession, il est coutume de dire que 40% du chiffre d’affaires des PGC se fait avec… les quarante premiers fournisseurs. Pour les deux partenaires, l’objectif sera donc de gérer quelque 40 fournisseurs en «3xnet » et une soixantaine en « on top ». Pour les industriels, le débat portera une nouvelle fois sur la légalité de telles centrales européennes. En rappelant que le sujet porte avant tout sur le respect de pratiques restrictives. Par exemple, le respect de la date butoir de fin des négociations commerciales (le 1er mars à 23h59 en France). Concrètement Concordis transmettrait aux partenaires de l’alliance des possibilités d’amélioration dans les contrats et, ensuite, il reviendrait aux enseignes dans les pays concernés d’appliquer la loi du pays.
Quant au nom choisi par les deux alliés, Concordis, il vise visiblement à démontrer un esprit de « concorde » avec les industriels et veut probablement se différencier des centrales plus « transactionnelles ». Rappelons que Coopérative U a notamment quitté Everest pour des raisons de comportements et de pratiques que le distributeur français ne soutenait pas. Toujours selon nos informations, l’accord porterait sur six ans, avec un début effectif dès les prochaines négociations 2026.
34,1% de part de marché
Pour mémoire, en France, Carrefour pèse, selon LSA, 43,95 milliards d’euros et Coopérative U pas moins de 34,12 milliards d’euros. Carrefour, selon Kantar, affichant une part de marché de 21,8% et Coopérative U de 12,3% (P6 à mi-juin). Soit 34,1% de part de marché. cumulée. Avec Leclerc qui s’accapare 24,6% de part de marché et l’alliance entre Auchan (8,7%), Intermarché (17,6%) et Casino (3%) qui en cumule 29,3%, cela va former un triumvirat face aux gros industriels internationaux. Les 3 structures vont en effet peser quelque 88% du marché. Il ne restera en effet que Aldi (2,8%) et Lidl (8%).
Reste à savoir quels gains espérer de ce nouvel ensemble ? Dans la profession, on estime souvent que si un distributeur double sa taille aux achats, il peut espérer gagner 1 à 2 points d’amélioration de ses conditions tarifaires. Les deux enseignes vont donc chercher à doubler leur taille, ce qui, inévitablement passera par l’arrivée de nouveaux adhérents à Concordis.
Nul doute que l’annonce imminente de cette alliance va faire travailler l’Autorité de la concurrence dans les mois à venir. Elle prouve une nouvelle fois en tout cas, qu’au-delà de cette information et compte tenu de tous les rachats de ces dernières années et toutes les rumeurs plus ou moins fantaisistes ou réalistes qui circulent, c’est bel et bien la recomposition du paysage commercial français qui se joue actuellement.